Dans la série 181° de Yoshiki Hase, la ligne horizontale structure des photographies de paysages du Japon. Un objet insolite, fabriqué par le photographe, est posé ou jeté par lui et vient perturber, à la marge, la perfection de l’horizontalité (180°). Avec cette intervention humaine systématique, le paysage devient celui d’une planète étrange, dans laquelle l’homme intervient pour laisser une trace esthétique sans réelle signification. Les tensions entre la ligne pure comme perfection et l’objet fabriqué comme imperfection intéressent le photographe qui s’inscrit dans la tradition japonaise d’une mise en scène du paysage, guidée par le regard, la nature n’étant jamais laissée à elle-même.
Gen Sakuma photographie quant à lui des scènes de rue dans sa série Go There. Son travail suit une démarche d’entomologiste, collectionneur de visages et de silhouettes insolites, dont le caractère fantastique est accentué par l’utilisation du noir et blanc peu contrasté. Ses images, parfois drôles, procurent toujours un malaise diffus car le photographe joue avec les frontières entre l’animé et l’inanimé. Les visages ressemblent à ceux de poupées figées et des mannequins semblent doués de vie. Objets et êtres vivants interagissent, se confondent ou s’unissent. Cette abolition des limites entre l’objet et le sujet est entretenue par le goût du photographe pour le sommeil ou les états de semiconscience. L’artiste aborde presque toujours l’idée d’un retrait, d’une forme de départ, peut-être celui de l’âme prête à échapper du corps, pour « aller là-bas » (« Go There »). Le photographe organise donc une forme d’absence de ses personnages à eux-mêmes, rendant ainsi ses images particulièrement marquantes.