Après dix années passées à New York, Marie Tomanova rend visite à sa mère dans la ferme familiale où elle a grandi, en République tchèque. Confrontée aux sentiments contradictoires d’appartenance et de désappartenance, elle revient sur le cadre et les valeurs qui l’ont constituée et dont elle s’est volontairement éloignée. World Between Us, la série qu’elle réalise lors de ce séjour, est à la fois l’aveu d’une incertitude et l’affirmation d’une identité : que reconnaît‑on de soi dans son lieu d’origine, dans les êtres et les objets chers, désormais aussi étranges que familiers ? Quelle est la nature de nos liens familiaux qui, malgré les chemins et les choix divergents, nous ramènent toujours vers la source ?
Cette question est aussi celle évoquée par Nina Medioni dans Le Voile, travail qu’elle poursuit auprès d’une branche de sa famille vivant au sein d’une communauté ultra‑orthodoxe en Israël. Medioni puise dans les racines qu’elle partage avec ses cousins et cousines pour établir une proximité troublante. Mais le seuil qu’elle franchit pour aller vers eux reste une ligne de séparation. Avec une grande délicatesse, ses photographies expriment le décalage entre, d’une part, le repli sur soi et l’obéissance aux règles strictes qui guident l’existence de la communauté religieuse et, d’autre part, la curiosité et la liberté qui président à son projet artistique.
Les titres des deux séries traduisent un rapport ambigu entre le familier et le lointain, l’intimité et l’exposition. La question proprement photographique de la visibilité est ici essentielle. Chez Tomanova, l’autoportrait permet de se réancrer dans un décor devenu étranger, tandis que chez Medioni, la non‑ représentatibilité des individus, propre aux membres de la communauté religieuse, constitue le point sensible autour duquel la photographe élabore son langage visuel.
L’histoire du siège parisien du Centre tchèque est chargée d’une forte valeur symbolique : c’est là qu’a été fondé, en 1916, le Conseil national tchèque, base du futur gouvernement tchécoslovaque. Depuis son ouverture en 1997 dans l’un des quartiers les plus animés de la capitale, le Centre tchèque de Paris est un lieu privilégié d’accueil et d’échanges entre la France et la République tchèque où se côtoient toutes les formes d’expression artistique : arts plastiques, design, musique, littérature, cinéma, théâtre, ainsi que l’enseignement de la langue tchèque.